Lycée Moulay Youssef (Rabat)

Morocco / Rabat-Sale-Zammour-Zaer / Rabat / شارع محمد الخامس
 school, place with historical importance

Le collège musulman de Rabat fut crée par le Dahir du 17 Février 1916 (ainsi que celui de Fès), bien que ledit établissement eût déjà ouvert ses portes le 1er Février de la même année. Il se substitua à l’école «indigène» en place, en pleine médina, Impasse El Mamoun : 40 élèves, 3 classes, 2 instituteurs français, un moniteur et un maître de Coran.

L'enseignement destiné aux «autochtones» en ces débuts de la colonisation avait lieu dans deux sortes d’établissements ; les écoles des fils de notables et les collèges musulmans, le tout sous la tutelle et le contrôle des autorités «de façon à éviter les candidatures trop nombreuses, qui pourraient amener la formation des déclassés» (!)

Les objectifs qui présidèrent à la mise sur pied des collèges musulmans étaient surtout d’ordre politique : «donner à l’élite de la jeunesse marocaine des foyers de culture musulmane et de sympathie française.» (!)

Les cours commencent donc le 7 février 1916. Aux 40 élèves, s’ajoutèrent 35 nouveaux. Leur âge varie entre 8 et 20 ans et dès le début, le problème de l’internat s’impose. Et malgré les réticences des parents à voir leurs fils habiter ailleurs que sous le toit familial, une maison de l’Administration des Habous servit de local pour abriter les 15 premiers internes.

L’année scolaire 1916-1917 se fit avec 90 élèves et le niveau le plus élevé était la 2e année secondaire (16 élèves).

Le programme officiel n’ayant pas encore été mis sur place, on avançait à tâtons, jusqu’en 1919 et l'arrêté viziriel du 17 mai, et un Dahir du même jour, instituant les examens qui sanctionneraient les études des élèves.

Les instigateurs és pédagogie coloniale s’étant rendus compte que le français n’avait pas la part qui revenait à un vainqueur (!), Ils en augmentèrent et les heures et les matières, allant jusqu’à prétexter quelque requête des élèves en ce sens.

La rentrée 1917-1918 se fit avec 98 élèves dont 48 dans le secondaire et 50 dans le primaire.

Le nombre des élèves allant croissant, l'exiguïté des locaux devint dès lors un problème crucial. Alors « Sa Majesté chérifienne fut toute disposée à faire don d’un vaste terrain attenant à la pépinière du palais. Elle offrit spontanément une partie de son Aguedal où étaient installés plusieurs de ses serviteurs. Cet emplacement était situé dans le quartier des Touargua, à l’extrémité de l’Avenue de Dar Makhzen, près de la mosquée appelée « Jammâa El-sounna » ; il fut agréé. Les travaux de construction commencés à l’automne de 1918, permirent de prendre possession des premiers locaux, achevés le 1er Octobre 1919.

En ce qui concerne les diplômes ; 4 années du premier cycle débouchent sur le Certificat des Etudes Secondaires Musulmans (C.E.S.M) et le Diplôme des Etudes Secondaires Musulmanes (D.E.S.M.), deux ans après, sanctionne et clôt le second cycle. En tout 6 ans.

Dans le « Bulletin de l’enseignement public » de janvier 1920 on peut lire : « Le Collège Musulman construit dans le quartier des Touargua, à côté de la mosquée, a été inauguré lundi 26 janvier 1920, par S.M Le Sultan et le commissaire Résident général. S.M. Moulay Youssef, accompagné de son vizir et des hauts dignitaires du Makhzen, a été reçu à son arrivée par le C.R.général, assisté de M.Blan, délégué à la Résidence général… Sous la conduite de M.Neigel, directeur du collège, S.M. Sultan a visité l’établissement, s’arrêtant dans chaque classe et suivant avec une bienveillante attention, les interrogations des professeurs.

Après la visite, un compliment en vers arabes a été lu par l’élève qui en était l’auteur. Sa Majesté, pour témoigner sa satisfaction, a décoré de la cravate de Commandeur du Ouissam Alaouite, M. Neigel, et nommé chevalier de l’Ordre, des professeurs français et indigènes. A 4 heures, Sa Majesté, qui avait exprimé le désir de visiter la nouvelle Résidence, est repartie en automobile avec le Général Lyautey, qui a tenu à lui montrer lui-même l’état des travaux.»

Ajoutons que Moulay Youssef interrogea plusieurs élèves et s’étonna que l’enseignement juridique et religieux ne fût guère enseigné et insista pour que ces deux «matières» fussent incluses dans le programme, objet de l’arrêté viziriel du 4 septembre 1920: le droit musulman s’imposait aux candidats pour le D.E.S.M.

En juin 1919, voilà donc la première promotion pour le collège Moulay Youssef, 3 élèves s’y présentent pour le C.E.S.M.2 mentions assez bien et 1 mention passable. Ces mêmes élèves passent en 1921 le D.E.S.M. Ils faisaient partie d’un groupe de 52. Les autres ont quitté le Collège pour devenir employés d’administration, interprètes à l’école supérieure, élèves à l’école militaire de Meknès ou commerçants. Ces premiers diplômés furent : M’hammed Ben Hamed Naciri, Idriss Ben Djilali et Omar Ben Hadj Ahmed El Bacha.

Pour les récompenser, une excursion leur fut offerte aux villes de la côte atlantique et à Marrakech du 25 juillet au 15 août 1919, sous la responsabilité du professeur Si Mohamed Saïah.

A partir de 1922, avec les élèves du Collège Musulman de Fès, un voyage d’une vingtaine de jours en France les récompensa.

Avec ce Collège nouveau, mais en dehors de la médina, beaucoup de parents s’étaient montrés réticents et l’Instruction publique leur créa « l’école des fils de notables », sise Boulevard El Alou … Et pour d’autres motifs !

Depuis 1921, fut créée la Section Normale des élèves-maîtres Musulmans boursiers (50 francs) et titulaire d’un C.E.P. Après le C.E.S.M, ils faut une année pédagogique, théorique et pratique, et les voilà « instituteurs auprès des indigènes ». C’est dire qu’entre ces 2 clans, le malentendu couvait !

Rappelons ici que les premiers « Youssefistes » avaient formé « L’Association sportive du Collège Moulay Youssef » en février 1922. Il en fut même de fanatiques de football au point de faire partie de la 1ère équipe de Championnat de « L’olympique marocain ». Et l’élève Mohamed Dahman donnait bien des soucis au directeur !

En 1927, le Collège avait un effectif de 98 internes et de 62 externes. Et le directeur écrivait « il s’en suit que notre tâche doit viser à former, par une double culture française et une haute éducation morales, des hommes qui serait à même de comprendre nos intentions, de les faire comprendre dans leurs milieux et de servir ainsi de trait d’union, entre les deux éléments de la population, de former en un mot, une élite intellectuelle qui puisse collaborer sincèrement et utilement avec nous pour le plus grand bien de leur pays. »

O M. le Directeur, si vous aviez eu une boule de cristal pour y voir les années et les évènements défiler, vous en eussiez informé M. Hardy et consorts. Vous ne pouviez savoir que parmi toutes ces têtes que l’en voulait embrigader sournoisement, germait déjà la graine de toutes les émancipations.

O Moulay Youssef, quelle illumination t’inspira ce geste auguste ?

Quelle sapience te guida en ces temps de tant de troubles ?

Quelle vision te lançait au-delà des décennies et des temps ?

Ta lucidité, ta clairvoyance à jamais nous accompagneront, nous, tes fils, tes élèves, et pour toutes les lumières ici dispensées, Allah te le revaudra immensément, éternellement.
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