Montagne Du-Diable

Canada / Quebec / Maniwaki /
 montagne, mont  Ajoutez un catégorie
 Télécharger une photo

La montagne Du-Diable est située au Nord-Ouest du Québec dans la région du Nord-Ouest des Hautes-Laurentides. Cette montagne de l'Ouest du lac Du-Poisson-Blanc à l'intérieur du parc nature du même nom à une altitude de 508 mètres. Autrefois, cette nomination était connu à l'emplacement du Mont Sir-Wilfrid du parc nature De-la-Montagne-Du-Diable près du Sud-Est du réservoir Baskatong.

www.poissonblanc.org/
www.quebecscience.qc.ca/Serge-Bouchard/La-montagne-du-D...



La montagne Du-Diable
Serge Bouchard - 10/07/2012

Je suis allé au village de Ferme-Neuve, un petit écart, une sortie de route au Nord de la ville de Mont-Laurier. Dans l’ancien temps, ce pays laurentien des Oueskarinis, Algonquins de la Petite-Nation – gens du Chevreuil, comme ils disaient – jouxtait le pays des Gens-des-terres, les Algonquins Tête-de-boule de la Haute-Mauricie. Il y avait là une forêt précieuse comme une tonne d’or, des lacs purs et profonds, des crans de gneiss archaïque, des plages de sable fin, des rivières blanches, des rivières brunes, des animaux sauvages, des collines rondes, des coulées vertes. À partir de l’Outaouais, trois vallées remontaient vers le Nord: celle de la rivière Rouge, celle de la rivière Du-Lièvre et celle de la rivière Gatineau. Ces vallées abondaient en pins blancs qui étaient beaux comme les colonnes sacrées d’une cathédrale païenne. Les secrets murmurés des chamanes du lac Chaud nous révèlent qu’aux sources de la rivière Rouge, une montagne tremblait du mouvement des esprits. Il en reste le beau nom de la montagne Tremblante. Aux confins de la rivière Du-Lièvre s’élevait le massif de la montagne Du-Diable, repaire de « Ouindigo » ou « Windigo », ce géant qui chassait les âmes humaines pour se nourrir de leurs péchés. Qui voulait s’y rendre devait passer par le rapide De-l’Orignal, sur la rivière Du-Lièvre, ou encore par le village de Grand-Remous et la petite rivière Baskatong, qui signifie « Glace pliée ». En 1824, les autorités britanniques coloniales cédaient ce trésor forestier à quelques amis, les « Barons du bois ». Sur la rivière Du-Lièvre, c’est James McLaren qui obtint le droit de sortir les pins plusieurs fois centenaires en les coupant à l’aveugle, saccageant le pays, gaspillant les arbres en grand nombre. En une trentaine d’années, les géants avaient disparu; le paysage avait changé à jamais; la cathédrale était en ruine. Loin en amont du rapide De-l’Orignal, à la tête de la rivière Du-Lièvre, la McLaren-Company s’affairait à couper les derniers pins et ses bûcherons s’y trouvaient fort isolés. Vers 1860, pour diminuer le coût du ravitaillement de ses camps, la compagnie construisit une ferme sur place. La ferme De-la-Montagne allait donner le nom de Ferme-Neuve à la nouvelle communauté de colons – aussi bûcherons et draveurs – qui prit racine en cette belle vallée. Après le sac des pins blancs, les colons voulurent exploiter des moulins à scie, complément habituel des travaux de la ferme en ce pays de bois debout. Mais le sort des petites gens n’a jamais préoccupé les autorités. Au lieu des moulins et des fermes forestières, le pays devint le domaine exclusif de la Canadian-International-Paper qui, sous la bénédiction du gouvernement, contra les rêves des colons et entreprit la coupe féroce des résineux pour la pulpe. Ce fut le temps de la « Pitoune » du transport par le flottage du bois. Nos politiciens avaient tout donné à la CIP (Canadian-International-Paper), y compris le droit de construire un barrage pour produire de l’électricité. Oui, l’appétit des grandes compagnies était sans limites ! On voulait que les bûcherons bûchent, non pas qu’ils s’enrichissent en vendant eux-mêmes du bois. La petite rivière Baskatong devint le réservoir que l’on connaît. Ennoiement catastrophique, désastre oublié. Rapide De-l’Orignal devint Mont-Laurier; la montagne Du-Diable fut renommée le mont Sir-Wilfrid, et ainsi de suite, ce qui vous déflore un grand pays et vous décourage une toponymie. Que venait faire Laurier, ce fossoyeur de rêves, dans ce pays des grands Esprits ?

J’étais déjà allé à Ferme-Neuve, en 1966, alors que je poussais ma coccinelle dans les chemins de bois les plus reculés. Je n’avais pas alors rencontré d’Algonquins sur ma route. Je me butai plutôt aux gens de la Compagnie. Les employés de la CIP m’avaient littéralement chassé du territoire. Panneaux à l’appui, on me fit comprendre que je circulais dans un domaine privé. Comme dans « habitant privé de son bois ». En 1900, Ferme-Neuve faisait partie d’un grand Plan Nord, un projet qui devait assurer la richesse des Canadiens-français. Que sont ces vieux rêves devenus ? Il est fort possible que le nom même de Ferme-Neuve ne vous dise rien. Mais voilà, ce pays que nous voulons tellement bâtir, saurons-nous un jour simplement le dire ?
Villes proches:
Coordonnées :   46°7'56"N   75°42'26"W
Cet article a été modifié il y a 9 ans